En 2037, un brouillard permanent y fait suffoquer les populations, mourir nos plus faibles. Surtout en Inde.

En 2037, un brouillard permanent y fait suffoquer les populations, mourir nos plus faibles. Surtout en Inde.

En 2037, un brouillard permanent y fait suffoquer les populations, mourir nos plus faibles. Surtout en Inde.

Temps de lecture: 30 min

Oubliez fanfiction et science-fiction: «Si jamais» reste une collection d’actu-fiction. Avec 1 principe simple: une actu, une fiction. Par Benoit Gallerey.

Deux nullement, tout juste, en dehors de l’avion et la pollution le chope a la gorge.

L’air vicie picote la langue, badigeonne la glotte, gratte le larynx. L’irritation ressentie jusqu’aux poumons ne quittera plus le visiteur venu pointer le nez en Inde.

Opaques, presents, visqueux, les gaz toxiques –avant de troubler le rythme cardiaque et d’appesantir le cerveau– laissent en bouche un gout metallique.

Sur l’un des gyropodes mis a disposition pour traverser le tarmac, Florian Develle avance voute, par reflexe, recroqueville tel si cela le protegeait en pollution. Il ajuste via le nez le masque qu’il a pris i  propos des recommandations du robot-stewart avant de descendre de l’avion.

Il va i?tre decu: il ne verra rien de New Delhi. Pour sa premiere visite, c’est rageant. Dans votre smog, Florian localise a peine la tour de controle. De puissants projecteurs l’entourent pourtant, qui ont l’air de fragiles allumettes tendues dans cette puree crasse.

Florian relache, de depit, les vents retenus lorsqu’il etait dans la carlingue. Cet homme est 1 porc, le inseparable collegue en est convaincu, mais il pourrait etre absurde de lui reprocher un pet dans votre contexte poisseux.

– Quatre jours. Quatre heures dans cet enfer, lance Florian, un coup son iris et le index scannes par les autorites. Moi qui ai deja bien le temps les bronches prises. Tu vas m’entendre tousser, Ali-Baptiste!

Si juste Ali-Baptiste ne l’entendait que tousser.

– Quelques ralent que Paris daube, poursuit Florian, bah moi, j’ai hate d’y retourner, tu vois! Respirer le bon air de chez nous.

Ali-Baptiste le connait assez Afin de etre surpris: votre n’est nullement du genre de Florian de critiquer ouvertement une decision de la boite. Certes, les missions en Inde ne sont nullement nos plus reclamees, avec J’ai pollution, mais le commercial Florian Develle execute d’habitude les ordres sans oser rechigner. Soumis. Deja beaucoup heureux d’avoir un job.

Le decalage horaire, note Ali-Baptiste, parai®t le rendre reveche. Pour la defense de Florian, les nanoparticules cancerigenes planant alentour seront environ soixante-dix fois superieures a toutes les normes de l’OMS.

– Meme a l’interieur du terminal, les taux excedent votre que pourront mesurer les appareils, admet Ali-Baptiste. L’equivalent, sans filtre, de trois paquets de cigarettes par jour. – Tu t’en fous, toi, tete d’?uf! Tu respires gui?re.

Et Florian le glisse dans sa poche, moyen d’indiquer au robot-porteur quelle est sa valise.

Ali-Baptiste a, effectivement, la taille et la forme d’un ?uf de poule. Il semble l’assistant virtuel de Florian depuis six ans: un terminal ovoide en inox brosse, quelques rayures dues a l’usure, avec une ceinture de diodes, cameras et capteurs.

«Pic de pollution», avait annonce une voix de synthese dans l’avion, avant l’atterrissage a New Delhi. Ali-Baptiste avait tique: afin que les tres laxistes autorites indiennes alertent sur ca, c’est qu’elles devaient etre desesperees.

Apres avoir deconseille toute activite physique, la voix avait invite les gens les plus curieuses a tomber sur de plus amples explications sur l’ecran situe devant elles: en votre saison, avant les semailles, nos paysans brulent leurs champs, creant d’epaisses colonnes de fumee qui bloquent sous elles l’air des rues, plus froid, aussi efficacement qu’un couvercle.

Sans transports en commun dignes de ce nom, New Delhi etouffe sous des dizaines de millions de vehicules –30.000 nouvelles immatriculations par jour: en Inde et en Afrique se trainent Afin de y mourir des dernieres voitures a essence en planete.

I  propos des routes de New Delhi, le 6 decembre 2018 | Xavier Galiana / AFP

– Je serais mieux avec ma petite femme, moi je te le dis, avait bougonne Florian, tandis que sa ceinture se bouclait toute seule. Elle reste enceinte jusqu’au cou et on m’envoie a l’autre bout du monde! – Allons, c’est le temps bon pour notre business, avait retorque Ali-Baptiste, agace avec cet embryon de rebellion.

Le business une brume empoisonnee

Le trajet jusqu’a l’hotel se deroule au sein d’ un tunnel de coton, mais de coton apres demaquillage: gris sale, masquant bien du paysage indien. En plein jour et malgre ses lentilles, Florian ne voit gui?re le bas des immeubles, meme de ceux qui jouxtent la route.

Ali-Baptiste le console en lui racontant qu’il ne rate gui?re grand-chose: des voies rapides engorgees de camions, des chantiers qui n’en finissent gui?re, des zones industrielles et des decharges a ciel ouvert –un paysage aussi laid qu’irrespirable.

Bientot 2 milliards d’ames en Inde, c’est deja plus https://www.datingmentor.org/fr/sites-de-rencontre-asiatiques/ que J’ai Chine, qui s’est urbanisee et regule ses naissances. L’Inde, elle, sera alors a moitie paysanne, toujours en tension nucleaire avec le Pakistan: on dit Beyrouth imminente de un demi-siecle, justifiant un menu forcement plus autoritaire.

– Notre pollution est pire que prevue parce qu’avant-hier, les hindous fetaient Diwali, precise Ali-Baptiste dans un taxi brinquebalant, tacot improbable en France. Malgre l’insistance des interdictions officielles, les habitants de Delhi font exploser chaque annee des millions de petards Afin de cette fete des lumieres. Cela n’est nullement une expression: quarante-huit millions de detonations enregistrees dans la nuit Afin de une telle edition 2037. Depuis, nullement un souffle d’air n’est venu chasser les relents capiteux d’une tradition… – Tu te fais poete, maintenant?

Il ricane, mais Florian est affreusement decu. Leslie a reclame une photo de son mari devant un temple hindou: sauf gros coup de vent et dispersion du brouillard, c’est rape. Il va devoir demander a Ali-Baptiste de photoshoper la scene.

– Jamais nous n’avons autant suffoque, assure le receptionniste de l’hotel, croyant rassurer le pensionnaire.

Rate. Florian se gratte J’ai paume des mains, flippe a l’idee d’ingerer du cancer pur alors qu’il va sous peu devenir pere. Stresse, il cligne systematiquement des yeux; il devra pourtant presenter son iris pour identification, puis le index.

Florian Develle, c’est beaucoup lui. Ne a Nancy, depuis trente-huit annees. Vit a Orsay, en region parisienne. Comme l’integralite des bebes de 1999, il a failli s’appeler Zinedine –il affiche aujourd’hui la meme calvitie que le heros de l’epoque. J’ai tonsure de Zidane, mais pour le est du corps, c’est plutot un Guivarc’h sous cortisone. Chatain, gros nez, doigts poilus, traits grossiers. Commercial concernant SaniAir, le fabricant de ventilateurs-depollueurs. En mission a Delhi, visa de quatre temps, peut-etre Bangalore, on le fera prolonger.

– Tout est en regle, monsieur Develle. Chambre 203. Prenez l’ascenseur, puis c’est au bout du couloir. Je vous desire un agreable sejour parmi nous, le robot-porteur va vous rejoindre avec ce valise.

Un receptionniste humain, ca n’existe plus en France –peut-etre au sein des grands palaces, mais Florian ne les frequente nullement. Ali-Baptiste capte son acolyte occupe a beer devant votre specimen indien tel on regarde 1 carrousel, un orgue de barbarie, un doux souvenir d’enfance. Trois vibrations de l’?uf dans la poche –son conventionnel rappel a l’ordre– ramenent Florian en 2037.

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